Nouvelles Vagues
À la toute fin des années 1950, en France, déferle sur les écrans de cinéma une série de nouveaux films en rupture avec les canons et les moyens de production de l’industrie cinématographique d’alors. La Nouvelle Vague – ainsi que la presse l’a dénommée, en référence à l’intitulé d’une enquête sociologique publiée par Françoise Giroud sur la jeunesse française – soufflait un vent nouveau, un vent de renouveau qui allait durablement changer la face du cinéma. Même si, comme la scène punk en musique dans le courant des années 1970, elle explosa sur un temps court.
Elle n’en essaima pas moins les braises d’une révolution culturelle (pas celle de Mao) qui allait se répandre, au-delà des frontières françaises, du rideau de fer et des continents, à toutes les cinématographies. Et c’est ainsi que dans les années 1960, un peu partout dans le monde, vont naître des nouvelles vagues, ou, comme on les appelait plutôt à l’époque, de Nouveaux cinémas, de Jeunes cinémas. Des cinémas pleins d’une vigueur encore insolente aujourd’hui, débordant d’une énergie créative et d’une liberté de ton qui inventaient un nouveau langage cinématographique en s’affranchissant des sujets et des codes narratifs du cinéma classique.
La période, historique et politique, peut-être était favorable. Elle voit l’arrivée d’une nouvelle génération accouchée par la guerre froide : les enfants de Marx et Coca-Cola, ainsi que Jean-Luc Godard les définira dans Masculin féminin. Des enfants qui se sont construits entre conscience et insouciance. Une nouvelle génération, mais surtout une catégorie sociale pour la première fois de l’Histoire nommée et considérée : la jeunesse. Une jeune génération à qui l’on donne la parole. Et qui la prend. Et qui la réinvente.
Et plus qu’un mouvement artistique, c’est peut-être cela les nouvelles vagues : un moment historique qui s’est traduit esthétiquement. Unanime. Quelles que soit les nationalités. Par-dessus les frontières et les cultures. Par-delà les censures. C’est la modernité tombée sur le cinéma. Et ce qui est fou, à revoir les films aujourd’hui, c’est que cette modernité l’est toujours, moderne. Elle n’est même pas devenue classique. Et ce qui est déstabilisant, c’est que cette période particulière, à la fois saisie par le cinéma et se saisissant du cinéma, dégage désormais quelque chose d’atemporel. En suspens.
Franck Lubet, responsable de la programmation de la Cinémathèque de Toulouse